Aller au contenu

Une analyse des décisions européennes et de leurs conséquences pour l’avenir de la guerre en Ukraine

Une analyse des décisions européennes et de leurs conséquences pour l’avenir de la guerre en Ukraine

Tweet de Valérie Hayer, députée européenne : « Today, we have voted for new macrofinancial assistance to Ukraine with loans up to 35 billion euros, to be repaid using profits stemming from frozen Russian assets. We are at a tipping point for Ukraine. #SlavaUkraini ».

Ces mots enthousiastes de Valérie Hayer, députée macroniste au Parlement européen, célèbrent l’adoption d’un nouveau plan d’assistance financière à l’Ukraine, financé par les actifs russes gelés. Cette annonce soulève pourtant des questions fondamentales, à la fois juridiques et diplomatiques, sur les choix de l’Union Européenne dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Si l’intention peut sembler noble pour « celui qui ne se pose pas beaucoup de questions », les implications à moyen et long terme sont beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît.

  1. Une décision risquée sur le plan juridique

L’UE s’apprête à utiliser les profits actuels et futurs générés par 210 milliards d’actifs appartenant à la Banque centrale de Russie pour financer ces prêts. Toutefois, il est essentiel de rappeler que ces actifs n’appartiennent pas à Vladimir Poutine ou à des oligarques, mais bien à une institution souveraine de l’État russe. Juridiquement, cette confiscation risque d’entraîner une série de procès internationaux dont les répercussions pourraient affaiblir la crédibilité de l’Union Européenne sur la scène mondiale.

Quelles que soient les raisons avancées pour justifier cette décision, elle repose sur un terrain juridique instable. Si la guerre venait à se terminer, la Russie ne manquerait pas de demander des comptes sur la légalité de l’appropriation de ces fonds. Des recours judiciaires pourraient être lancés et coûter cher à l’Europe, tant sur le plan financier que diplomatique. Les juristes de la Commission Européenne ont probablement anticipé ce problème, et le Parlement européen risque de se retrouver en première ligne, à devoir assumer les conséquences juridiques de cette décision.

Devant cet accaparement d’avoirs russes, les autres pays auront beaucoup de méfiance lorsqu’il s’agira d’investir leurs capitaux en Europe, ce qui aura des conséquences néfastes pour notre développement économique. En réponse à ces risques, les BRICS envisagent de lancer un système monétaire basé en partie sur l’or pour commercer sans passer par le dollar, ce qui montre l’ampleur des bouleversements potentiels du système économique mondial.

  1. Les BRICS et l’illusion d’une Russie isolée

La perception dominante en Occident que la Russie est isolée sur la scène internationale ne tient pas compte de la réalité globale. L’alliance des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ne cesse de se renforcer, représentant une part croissante de l’économie mondiale.

De plus, la Chine et l’Inde maintiennent des relations commerciales étroites avec la Russie, ce qui réduit considérablement l’impact des sanctions économiques imposées par l’Occident voire les inverse comme notre situation économique tend à le démontrer.

Loin d’être isolée, la Russie réoriente son commerce vers ces puissances émergentes. L’Europe doit donc s’interroger sur l’efficacité à long terme de ses sanctions, tout en prenant conscience que les BRICS et d’autres nations non-alignées offrent à Moscou un soutien crucial qui limite l’efficacité de ces mesures.

  1. Un aveuglement sur les origines du conflit

L’une des erreurs les plus fréquentes dans le discours européen sur la guerre en Ukraine est de simplifier le conflit en le réduisant à une « agression » unilatérale de la Russie. Or, la réalité est plus complexe. Le conflit a des racines profondes, remontant à la rupture des accords de Minsk et à la guerre civile qui a dévasté le Donbass dès 2014, conduisant au départ d’un million d’Ukrainiens russophones vers la Russie. Les violences perpétrées contre les populations russophones de l’Est de l’Ukraine ont contribué à envenimer la situation bien avant l’intervention militaire russe en février 2022.

De plus, l’établissement de bases militaires de l’OTAN en Ukraine et la découverte de laboratoires biologiques dans le pays sont des éléments qui compliquent encore plus l’analyse de cette guerre fratricide. Parler d’une simple « agression » russe est une vision trop réductrice qui ignore les multiples facteurs ayant conduit à l’escalade du conflit.

  1. Les conséquences d’une guerre sans fin

Si l’on continue à injecter des fonds dans ce conflit sans envisager de solutions diplomatiques, nous risquons de nous enliser dans une guerre prolongée, au détriment des deux parties. La guerre ne durera pas éternellement, et il est impératif de penser dès maintenant à l’après. Lorsque les armes se tairont, la Russie se souviendra des actifs qui lui auront été confisqués, et elle exigera probablement réparation.

À long terme, ces actions risquent de détériorer encore plus les relations avec Moscou et de créer un cycle sans fin de représailles économiques et diplomatiques. L’Europe pourrait se retrouver dans une position délicate, avec une Russie revancharde et une situation économique interne fragilisée par ses propres sanctions.

  1. Les limites de l’Europe l’Union Européenne sur la scène mondiale

En fin de compte, l’Europe doit reconnaître ses propres limites géopolitiques. Si l’Union Européenne a été un moteur économique et diplomatique qui se voulait important au cours des dernières décennies, elle perd progressivement de son influence face à des blocs tels que les BRICS ou des puissances comme la Chine. Se positionner comme le leader du soutien à l’Ukraine est une posture à court terme, mais les conséquences à moyen et long terme, notamment en termes de relations avec la Russie et de cohésion interne, restent incertaines.

Conclusion : L’illusion d’une guerre sans fin

L’enthousiasme de Valérie Hayer et d’autres députés européens pour ce nouveau plan d’aide à l’Ukraine, financé par des actifs russes gelés, masque une réalité plus complexe et dangereuse. Utiliser ces fonds peut sembler une solution à court terme, mais elle ouvre la porte à des conflits juridiques, diplomatiques et économiques bien plus vastes. La guerre en Ukraine ne sera pas éternelle, et il est impératif de préparer une stratégie pour l’après-conflit, en prenant en compte le retour inévitable de la Russie sur la scène internationale.

L’Europe doit faire preuve de réalisme géopolitique et cesser de se bercer d’illusions sur la durée du conflit. Elle risque de se retrouver affaiblie sur la scène mondiale, à moins de chercher des solutions diplomatiques plutôt que de poursuivre cette guerre fratricide sans fin. Les sanctions, dont l’efficacité n’a pas été prouvé, pourraient se retourner contre leurs auteurs, et l’illusion d’une Russie isolée pourrait conduire à des erreurs de jugement catastrophiques.

Pierre d’Herbais.